Le Sonnet est un "poème à forme fixe"fondée sur la succession de deux quatrains et de deux tercets.
Pour les quatrains, l'usage dominant est la rime embrassée (abba / abba) identique dans les deux strophes.
Pour les tercets, il n'y a pas de règle mais un usage différent selon les poètes ou les traditions nationales : (cdc / dcd); (ccd /ede); (ccd / eed); (efef / gg).
Au delà de ces règles, le Sonnet respecte plus ou moins certaines modalités de construction qui constituent un art de la composition, indissociable du genre :
- la chute : le dernier vers du sonnet doit apparaître comme une brève conclusion, brillamment formulée. Ce sera une image expressive résumant le tableau décrit par le poème, une formule satirique spirituelle (une "pointe"), un effet de surprise, une sorte de morale éclairant le sens du texte.
- la division du sonnet en deux blocs : bloc des quatrains, bloc des tercets. Quatrains et tercets déterminent souvent deux parties qui peuvent être :
- la progression : certains sonnets sont moins fondés sur une division en deux blocs que sur une progression constante orientée vers la chute :
Le Dormeur du Val
1 C’est un trou de verdure où chante une rivière,
2 Accrochant follement aux herbes des haillons
3 D’argent ; où, le soleil de la montagne fière,
4 Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
5 Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
6 Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
7 Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
8 Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
9 Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
10 Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
11 Nature, berce-le chaudement : il a froid.
12 Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
13 Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
14 Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Heureux qui, comme Ulysse, (Du Bellay)
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine.
Quand vous serez bien vieille
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.
Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre et fantôme sans os :
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.
Marcher d'un grave pas et d'un grave sourcil,
Et d'un grave sourire à chacun faire fête,
Balancer tous ses mots, répondre de la tête,
Avec un Messer non, ou bien un Messer si :
Entremêler souvent un petit Et cosi,
Et d'un son Servitor' contrefaire l'honnête,
Et, comme si l'on eût sa part en la conquête,
Discourir sur Florence, et sur Naples aussi :
Seigneuriser chacun d'un baisement de main,
Et, suivant la façon du courtisan romain,
Cacher sa pauvreté d'une brave apparence :
Voilà de cette cour la plus grande vertu,
Dont souvent mal monté, malsain, et mal vêtu,
Sans barbe et sans argent on s'en retourne en France.
"Le Revenant" Charles Baudelaire
Comme les anges à l’oeil fauve,
Je reviendrai dans ton alcôve
Et vers toi glisserai sans bruit
Avec les ombres de la nuit;
Et je donnerai, ma brune,
Des baisers froids comme la lune
Et des caresses de serpent
Autour d’une fosse rampant.
Quand viendra le matin livide,
Tu trouveras ma place vide,
Où jusqu’au soir il fera froid.
Comme d’autres par la tendresse,
Sur ta vie et sur ta jeunesse,
Moi, je veux régner par l’effroi.