Carmen, Carta 4

  • Madrid, 20 novembre 1986

    Chère Lucie,

    Je suis très contente de t’écrire cette lettre après tout ce temps. De plus je suis heureuse de t’annoncer que je suis de retour dans mon pays natal. J’ai quitté l’Allemagne, maintenant que la paix est revenue tout comme la démocratie. Je vais t’expliquer comment la démocratie est arrivée en Espagne.

    En 1969 Franco fit une déclaration dans laquelle il choisit Don Juan Carlos comme son successeur parce qu’il provenait d’une famille royale et parce que, il ne faut pas l'oublier, c’était un enfant de seulement 9 ans. Ainsi Franco était convaincu qu’il pouvait lui inculquer les valeurs de franquisme. Il espérait que l’Espagne continue à être autoritaire, que la dictature perdure tout comme ses principes comme la censure de tous les films, le manque total de liberté et la place presque inexistante des femmes… Lucie, tu serais surprise de voir les affiches qui sortaient, détruisant et méprisant l’image de la femme. La femme devait être soumise à son maris et à ses désirs.

    Le jour de la mort de franco, le 21 novembre 1975, nous nous sommes sentis libérés, mais nous avions toujours peur du successeur de Franco, nous avions peur de vivre le même enfer qu’avant. Le jour du couronnement, le 22 novembre, Don Juan Carlos fit un discours devant les Cortes. Comme tu peux t’en douter, le roi dû être discret  et ne pas entreprendre de grands changements parce que la majorité des députés étaient de vrais franquistes. Cependant, et je ne te dis pas le soulagement que ça a été, il a osé ! Il parla de mettre en place plus de liberté, il promit d’être le roi de tous les espagnols et, nous le supposions, rétablir la démocratie. Il a osé ! Nous ne l’attendions pas ! Cependant, le roi paraissait froid parce que l’armée et les députés étaient à 80% franquistes. Il parla avec fermeté et prudence parce que sa situation était délicate.

    Trois ans après son arrivée au pouvoir il demanda au peuple de participer activement à la démocratisation du pays en faisant voter la nouvelle constitution espagnole. En 1978 il y eu le vote de cette constitution et donc nous sommes allés votés pour qu’il y ait une égalité entre tous, pour que tous les partis politiques soient présents et que toutes les libertés soient à nouveau octroyées.

    Malheureusement pour nous en 1981, précisément le 23 février à Madrid, la jeune démocratie vécut une épreuve difficile. Les militaires, nostalgiques de l’ancien régime, organisèrent une tentative de coup d’état qui aurait pu se terminer dans un bain de sang ou en une nouvelle dictature. Ce jour là, à 18h21, un groupe de Gardes Civils, sous le commandement du Colonel Antonio Tejero, fit irruption dans les Cortes et interrompit le vote en cours. Heureusement ils n’ont pas eu le temps d’aller plus loin parce qu'au petit matin le roi se présenta à la télé et ordonna la cessation du coup d’Etat. Après cet évènement tous les militaires ont été arrêtés et nous, nous pouvions enfin nous sentir soulagés.

    Et puis pour terminer cette lettre avec un point positif, en 1986 imagine l’allégresse intense de tous les espagnols quand ils ont appris l’entrée de l’Espagne dans l’Union Européenne. Nous recevions enfin des aides financières et une ouverture totale du pays.

    Je suis très fière de partager avec toi tous ces moments de joies et de réussites. Je suis si contente que finalement, tout se soit arrangé pour nos deux pays.

    J’attends de tes nouvelles. Prends soin de toi et de ta famille.

    Très tendrement

    Ton amie Carmen