Carmen, Carta 1

  • Prison des femmes de Las Venta

    Madrid, 15 décembre 1939

    Chère Lucie

    Pour commencer merci de te préoccuper de ma situation et celle de mes regrettées amies et surtout toutes mes félicitations pour ton mariage avec Raymond. J'ai beaucoup hésité à te révéler l'horrible situation que nous vivions en Espagne et que nous continuons à vivre. Mais en lisant ce que tu m'as raconté de la situation en France, et après avoir vérifié tes dires avec mon ami Quique, j'ai décidé de te faire confiance. Tu n'es pas obligée de te préoccuper autant pour moi. Mais si réellement nous finissons par être amie, et si je peux t’aider, je le ferai sans hésiter.

    Le 17 et 18 juillet 1936 les militaires, dont Franco, se soulevèrent et firent un coup d'Etat. C'est là que tout a commencé. La guerre dura trois ans et opposa les républicains aux nationalistes. Le groupe républicain se composait des maquis, des socialistes, des communistes. Ils recevaient de l'aide des Brigades Internationales et de l’Union Soviétique. Quant au groupe des nationalistes il se composait de l'armée, des monarchistes et des fascistes. Ils étaient soutenus, et ils continuent d'être soutenus par Hitler et Mussolini. Si tu avais été en Espagne en 1938, tu aurais vu tous ces républicains qui fuyaient l'Espagne vers la France ou l'Amérique latine.  Cette guerre se termina le 01 avril 1939 avec la victoire des franquistes. Ce fut la pire des situations qui pouvait se passer en Espagne.

    Quant aux treize roses tu as raison, Julia, Blanca, Martina, Pilar,  Virtudes, Adelina, Carmen, Joaquina, Elena, Dionisia, Victoria, Ana, Luisa sont mortes et c'est dramatique. Par chance, Antonia et moi-même n'avons pas été fusillées parce que, moi avec mes 16 ans j'étais trop jeune et parce que le nom d'Antonia avait été écrit au masculin.

    Tu m'as demandé des informations sur les actions que nous avions réalisées. Je vais te les décrire. Premièrement, nous distribuions des prospectus à la population. Avec ces prospectus nous souhaitions, non seulement sensibiliser les gens sur la dictature franquiste mais aussi avoir des personnes à nos côtés et critiquer le gouvernement de Franco. Certaines des treize roses travaillaient dans des orphelinats républicains pour aider les enfants sans famille. Dans ces orphelinats, nous nous occupions des enfants et leur donnions à manger. En prison, je me souviens qu'elles m'ont raconté qu'un jour, dans la rue de l'orphelinat il y eu une pluie de prospectus. Sur ces prospectus on pouvait voir le drapeau de l'Espagne franquiste avec le slogan « Dans l’unique Espagne, grande et libre, il n'y a pas de foyers sans pain ». Ce slogan est un moyen de propagande de Franco. Avec les prospectus il y avait du pain. Une des treize roses conseilla de ne pas manger le pain parce qu'il pouvait être vénéneux. Cependant, nous avions faim et nous décidâmes de le manger.

    Une autre action, plusieurs associations se sont mis en place, comme par exemple les Jeunesses Socialistes qui luttaient contre Franco. Ensuite, pendant cette période, certaines personnes ont résisté avec différentes actions, on les appelait les maquis. Ils détruisaient les voies de chemin de fer et tuaient les nationalistes, comme un Garde Civil et sa fille. Ce fut cela la cause de l’exécution de mes treize amies. Cependant ce n'était pas une raison valable parce que les 13 roses étaient déjà en prison. Mais Franco utilisa cette raison pour les tuer, ce qui servit ainsi d’exemple.

    Franco nous empêchait de parler, penser. Nous devions tous obéir à ces ordres sous peine d’être exécutés. Un vrai dictateur. C'est ainsi qu'en défendant nos valeurs, j'ai perdu mes treize amies qui, en même temps, sont mortes la tête haute pour des valeurs de liberté et d'égalité. C'est pour cela que je suis très fière d'elles.

    Le jour de l’exécution à été horrible car pendant que les treize roses étaient en train d’écrire leurs lettres d’adieu à leur famille, elles entendirent les hommes se faire fusiller, parmi lesquels le fiancé de Virtudes et le mari de Blanca. Je l'ai appris quand Quique, le fils de Blanca, est venu me parler de la lettre de sa mère . L'histoire de cette femme à été la plus cruelle car elle a dû abandonner son fils.

    Voici les dernières nouvelles de l'Espagne…

    Et toi ? Comment ça se passe en France ? C'est horrible ce qui est en train de t’arriver !

    Bonne chance, plein de courage et prends soin de toi ! J'espère que la situation s'améliorera.

    Très affectueusement

    Ton amie Carmen