LECTURE 2, à la poursuite du monstre

  • LES PERSONNAGES DU ROMAN APPARAISSENT !

     

     

    Regardez la vidéo jusqu'au 2:40. Identifiez les personnages ci-dessus et faites leur portrait.

     

    Voici l'extrait en question, sous-titré en français :

    Questionnaire sur la vidéo ci-dessus :

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    Lisez le passage suivant et complétez vos portraits.

    Chapitre 2          

    Le pour et le contre

    Pendant ce temps, je reviens d’une exploration scientifique au Nebraska, aux États-Unis. Je m’appelle Pierre Aronnax. Je suis professeur au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris[1]. J’arrive à New York vers la fin mars. Je vais repartir pour la France dans les premiers jours de mai.

    À mon arrivée à New York, tout le monde discute. Quelle est cette « chose» que les bateaux rencontrent sur leur route ? Une île ? Une épave[2]? Impossible, elle est trop rapide. Un sous-marin ? On peut le penser ; mais un seul homme ne peut pas faire construire un pareil bateau, on le saurait. Tous les pays industriels du monde disent très haut qu’ils n’ont pas de sous-marin. Alors, quoi ? La seule réponse est : le monstre.

    J’ai publié, en France, le livre Les Mystères des grands fonds[3] sous-marins. Tout le monde pense que je suis un spécialiste du monde marin. Alors, le journal américain New York Herald me demande mon opinion sur le problème. J’écris un article dans le journal du 30 avril. Dans cet article, je dis que le monstre est sûrement un narval[4] géant, la “licorne de mer”.

    Le narval ou licorne de mer

    Source : Musée Vivant du Roman d'Aventures / Muséum d'Histoire Naturelle de Lausanne

    Mon article a un grand retentissement, on en discute beaucoup. La solution qu’il propose, d’ailleurs, laisse libre cours à l’imagination. L’esprit humain se plaît à ces conceptions grandioses d’êtres surnaturels. Alors le public finit par admettre sans conteste l’existence d’un être prodigieux de dimension gigantesque. Mais si les uns ne voient là qu’un problème purement scientifique à résoudre, les autres, plus positifs, surtout en Amérique et en Angleterre, décident de poursuivre et de tuer le monstre. Les États-Unis préparent une expédition. Enfin, à New York, on envoie sur mer une « frégate », c’est-à-dire un bateau avec une coque d’acier. Elle s’appelle l’Abraham Lincoln. Elle est armée pour la pêche à la baleine.

    Le commandant Farragut est prêt à prendre la mer au plus tôt. Cependant, le monstre ne reparaît plus. Pendant deux mois, aucun navire ne le rencontre. Donc, la frégate, on ne savait plus où la diriger. Et l’impatience allait croissant, quand, le 2 juillet, on apprend que le Tampico, steamer de la ligne de San-Francisco de Californie à Shangaï, a revu l’animal dans le Pacifique. L’émotion causée par cette nouvelle est extrême. On exige le départ  immédiat de la frégate. D’ailleurs, le commandant Farragut ne demandait qu’à partir.

    Trois heures avant le départ de l’Abraham Lincoln, je reçois la lettre suivante :

    Monsieur Aronnax, professeur au Muséum de Paris, Fifth Avenue hotel.

    New-York.

    Monsieur,

    Si vous voulez vous joindre à l’expédition de l’Abraham-Lincoln, le gouvernement des États-Unis serait heureux que la France soit représentée par vous dans cette entreprise. Le commandant Farragut garde une cabine pour vous.

    Très cordialement votre

    J.-B.Hobson,

    Secrétaire de la Marine.

     

    Une minute avant de recevoir la lettre de J. B. Hobson, je ne pensais pas à chasser la licorne ; une minute après, je veux à tout prix tuer ce monstre.

    Je reviens d’un dur voyage, je suis fatigué. Je veux revoir mon pays, mes amis. Mais j’oublie tout, je suis prêt à repartir.

    Je crie : « Conseil ! »

    Conseil est mon fidèle domestique. Depuis dix ans, il me suit dans tous mes voyages. C’est un brave Flamand, un garçon fort et calme d’une trentaine d’années, dix ans plus jeune que moi. Il est flegmatique, zélé et très adroit de ses mains.

    Conseil paraît.

    « Monsieur m’appelle ? dit-il en entrant.

    – Oui, mon garçon. Prépare nos valises. Nous partons dans deux heures.

    – Comme il plaira à Monsieur, répond tranquillement Conseil.

    – Mets dans ma valise des vêtements, des chaussettes, des chemises, et dépêche-toi.

    – Nous ne retournons donc pas à Paris ? demande Conseil.

    – Si, mais nous prenons un chemin un peu plus long. Nous voyagerons sur l’Abraham Lincoln.

    – Comme Monsieur voudra, répond Conseil.

    – Tu sais, mon ami, nous allons tuer le monstre. C’est un voyage dangereux.

    – Comme il plaira à Monsieur. »

    Un quart d’heure après, nos valises sont prêtes.

    Nous descendons. Je paye l’hôtel et nous sautons dans une voiture. Elle nous conduit au quai où l’Abraham Lincoln se prépare au départ. Je monte à bord et je demande le commandant Farragut.

    Un marin me conduit près de lui. Il me tend la main.

    « Monsieur le Professeur, me dit-il, je suis heureux de vous voir à mon bord. Votre cabine vous attend. »

    Conseil installe les valises. Je monte sur le pont pour regarder notre départ.

    «Go ahead», crie le commandant.

    À ces mots, les mécaniciens mettent la machine en marche et la frégate s’avance majestueusement au milieu d’une centaine de petits bateaux.

    Les quais de Brooklyn et les bords de la rivière de l’Est sont couverts de curieux. Des milliers de mouchoirs saluent l’Abraham Lincoln.

     

    Chapitre 3          

    Ned Land

    À huit heures du soir, la frégate court à toute vapeur sur les eaux de l’Océan Atlantique.

    Le commandant Farragut, ses officiers et l’équipage sont sûrs que la licorne vit dans la mer et ils veulent la tuer. Pendant toute la journée, les marins ne quittent pas la mer de vue. Le commandant a promis deux mille dollars à celui qui apercevra le monstre le premier.

    Moi-même, je regarde la mer avec beaucoup d’attention. Seul Conseil ne s’intéresse pas à la chasse à la licorne. Il y a sur le navire tous les appareils nécessaires pour pêcher le monstre : du harpon au canon. Mais surtout, il y a Ned Land, le meilleur des harponneurs.

    Ned Land est un Canadien de quarante ans, très adroit. Grand et fort, il parle peu et se met quelquefois en colère. Son regard lui permet de voir très loin. Il vaut à lui seul tout l’équipage pour l’œil et le bras.

    Beaucoup de Canadiens parlent français. Avec moi, Ned Land peut parler sa langue. Au bout de quelques jours, Ned et moi, nous sommes devenus amis. J’ai beaucoup de plaisir à écouter ses récits de pêche en mer. Quand il raconte ses aventures,  je crois écouter quelque Homère canadien, chantant l’Iliade des régions hyperboréennes. 

    Seul à bord, Ned ne croit pas à la licorne.

    Le soir du 30 juillet, la frégate se trouve près du cap Blanc. Assis sur le pont, Ned Land et moi, nous parlons. Je lui dis :

    «Comment, Ned, vous ne croyez pas au monstre marin que nous chassons? Pourquoi ? »

    Il me regarde, se frappe le front et dit enfin :

    « J’ai chassé et tué beaucoup de baleines. Je n’en ai jamais trouvé d’assez fortes pour faire un trou dans une coque d’acier. Peut-être un poulpe gigantesque…?

    – Encore moins, Ned, le poulpe n’a pas d’os.

    – Alors, monsieur le naturaliste, vous croyez qu’une très grande licorne vit dans la mer ?

    – Oui, Ned, je vous le répète, je crois à un animal marin avec une dent très pointue. Si un animal comme celui-ci vit au fond des mers, il doit être très résistant, c’est-à-dire très solide.

    – Et pourquoi ? demande Ned Land.

    – Parce qu’il lui faut une force très grande pour ne pas être écrasé par la pression de l’eau. La pression est le poids de toute l’eau qui se trouve au-dessus de lui. À un kilomètre sous la mer, chaque centimètre carré du corps reçoit une pression de cent kilos. À dix kilomètres, une pression de mille kilosVous comprenez alors pourquoi les animaux des fonds marins doivent être forts et résistants.

    – Sans doute », répond Ned Land qui ne peut pas croire à ces chiffres.

    Le voyage de l’Abraham Lincoln continue. Rien ne se produit.

    Le 3 juillet, nous sommes au détroit de Magellan, mais le commandant décide de passer par le cap Horn.

    Le 6 juillet, l’Abraham Lincoln passe à quinze milles au sud de cette île perdue. Le lendemain, nous sommes enfin dans les eaux du Pacifique.

    « Ouvre l’œil, ouvre l’œil ! » répètent les matelots.

    Jour et nuit, on regarde la surface de la mer. Sous la pluie ou sous le soleil, à l’avant ou à l’arrière, moi aussi je regarde jusqu’à l’horizon.

     « Il n’y a rien, monsieur Aronnax, me dit Ned Land ; et s’il y a un animal, quelle chance avons-nous de l’apercevoir ?»

    Le 27 juillet, nous faisons route vers les mers de Chine. L’équipage ne mange plus, ne dort plus. Vingt fois par jour, quelqu’un croit voir la licorne.

    Pendant trois mois, la frégate navigue sur les mers du Pacifique. Et rien ! Rien qui ressemble à un grand animal, à une épave de naufrage, à une île sous-marine.

    Alors, l’équipage perd courage. On ne croit plus à la licorne. L’Abraham Lincoln a tout fait pour réussir.   

    Les officiers et l’équipage demandent au commandant de retourner. Celui-ci demande encore trois jours. Si, d’ici trois jours, le monstre ne se montre pas, on repartira.

    Deux jours se passent. Toujours rien. La nuit approche. Conseil et moi, nous nous promenons sur le pont.

    Il me dit : « Monsieur, sans tout ce temps perdu, nous serions à Paris depuis longtemps.

    – Tu as raison, Conseil, et on se moquera de nous.

    – Certainement, on se moquera de monsieur et... »

    Conseil ne peut finir. Au milieu du silence, Ned Land crie :

    « Ohé ! La bête est là, devant nous. »

    À ce cri, l’équipage tout entier court vers le harponneur. Les ingénieurs et les chauffeurs courent aussi. L’ordre d’arrêter est donné.

    La nuit est profonde. Mais Ned Land ne s’est pas trompé. Nous apercevons la chose qu’il montre de la main. À quatre cents mètres, la mer semble éclairée par-dessous.

    "Cette lumière est électrique, dis-je. Voyez, voyez, le monstre se jette sur nous ! »

    Le commandant donne des ordres. Le navire change de direction et part loin de la lumière. Mais lanimal le suit avec une vitesse double.

    L’animal va plus vite que nous en jouant. Il s’en va, revient sur nous, passe sous la coque du bateau. À chaque instant, un choc peut se produire.

    La frégate se sauve. Je m’en étonne.  Le commandant Farragut me dit :

    "Monsieur Arronax, je sais maintenant quel est cet animal, c’est une licorne électrique. Je ne veux pas la chasser dans la nuit. Attendons le jour. »

    Personne ne peut dormir. Vers minuit, l’animal «s’éteint».

    On se prépare à la chasse. Ned Land a pris son harpon. À six heures, le jour se lève. À huit heures, le harponneur  crie :

    “La chose en question, par bâbord arrière ! »

    Tout le monde regarde. À un mille et demi du bateau, on voit un long corps noir, sa queue bat l’eau. La frégate vient près du cétacé. Le commandant dit : « Forcez les feux, et à toute vapeur ! »

    La chasse commence. L’Abraham Lincoln va droit sur l’animal, mais celui-ci se met en marche et nous restons toujours aussi loin derrière lui.

    Cette poursuite continue longtemps. Le bateau va si vite qu’il peut se casser en mille morceaux.

    Plusieurs fois, l’animal nous laisse arriver près de lui. Au moment où le harponneur va le frapper, il repart très vite.

    « Ah ! dit le commandant, nous allons voir si cet animal ira plus vite que les boulets du canon ! »

    Le premier boulet passe au-dessus du monstre, le deuxième le touche, mais va se perdre dans la mer.

    On continue la chasse. À la nuit, la licorne s’arrête ; peut-être est-elle fatiguée ? Sans bruit, la frégate vient tout près et Ned Land jette son harpon. Alors, beaucoup d’eau tombe sur le pont et je suis jeté à la mer.

     

    Texte adapté pour les besoins du projet des éditions suivantes : 

    • J. Hetzel, 

     

     

     

     

     


    [1] Le Muséum d’Histoire Naturelle : institution où travaillent des savants qui étudient les plantes, les pierres, les animaux et les hommes.

    [2] Une épave : ce qui reste d’un bateau qui a fait naufrage.

    [3] Les grands fonds : les endroits qui se trouvent le plus bas sous la mer.

    [4] Un narval : grand mammifère cétacé. Le mâle possède une corne. (Monodon monoceros). Synonyme : licorne de mer.