Cracovie

  • Visite de Cracovie

    Il y a deux Cracovie, d’un côté la vieille ville presque inchangée depuis des siècles, car épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale et le communisme, et, à côté, comme effacée, l’ancienne ville de Kazimierz.

    La vieille ville et son centre historique sont magnifiques, harmonieux malgré des styles architecturaux différents.  Les façades ont été nettoyées, les bâtisses restaurées et, avec ses rues pavées, cette ville-musée est en effervescence permanente avec plus de quatre millions de visiteurs chaque année et 130.000 étudiants universitaires.

    Le cœur de la ville est le Rynek, grande place du marché avec sa tour comme point de ralliement où vos pas vous ramènent toujours.  Tous les édifices entourant la place sont les témoins de la vie religieuse, économique et politique du Cracovie médiéval. 

     

    Au sud du Rynek, où que se tourne notre regard : des églises et basiliques, la riche religion catholique est bien présente.  Incontournable également la fameuse université Jagellone, l’une des plus anciennes d’Europe centrale avec son impressionnante cour intérieure.

     

    Plus loin, enfin, dominant la cité et la Vistule, la colline du Wavel avec sa cathédrale (lieu de couronnement des rois polonais jusqu’au XVIIe siècle), son château royal mêlant plusieurs styles architecturaux et ses deux tours d’artillerie.  C’est là que selon la légende un dragon avait élu domicile et terrorisait les habitants.  Un jeune cordonnier piégea la bête en lui offrant une peau de mouton cachant du soufre et du goudron.  Le dragon engloutit sa proie et assoiffé, but tellement d’eau qu’il éclata.

     

    A l’opposé de toutes ces richesses historiques et culturelles, l’ancienne ville de Kazimierz paraît bien calme.

    Elle abrita depuis la fin du moyen-âge jusqu’en 1941 une communauté juive importante.  Sur 250.000 habitants, un quart était de confession juive et ce quartier comptait 7 synagogues.  Il reste aujourd’hui à Cracovie à peine 200 Juifs et la majorité des synagogues sont fermées au culte par manque d’effectifs.  Mais on peut encore voir des cimetières et des restaurants traditionnels yiddish.

    En 1941, l’administration nazie chassa les Juifs du ghetto de Kazimierz pour les entasser sur un kilomètre carré de l’autre côté de la Vistule dans le quartier Podgoze.  Là, des murs furent dressés (il en subsiste quelques ruines) autour du ghetto A pour les valides aptes au travail et du ghetto B pour les enfants de moins de six ans, les vieillards et les malades.  Ceux-là seront tués sur place par les nazis.

     

    L’endroit était proche des usines où devaient travailler les Juifs pendant la guerre et c’est comme eux, à pied, que nous parcourons le chemin jusqu’à la fabrique d’Oskar Schindler, rendu célèbre par le film de Spielberg.  Cette usine abrite aujourd’hui deux musées : Cracovie sous l’occupation et le Mocak (musée d’art contemporain).

     

    Sur la place Bohoteran Getta, 70 chaises en métal symbolisent le départ précipité de cette population pour les camps. 

     

    Plus loin encore, un peu à l’extérieur de la ville, nous pénétrons avec émotion sur le site de Plaszow.  Il ne reste presque rien de ce camp de concentration où furent transférés les Juifs qui avaient survécu à la liquidation du ghetto le 13 mars 1943 : quelques fragments de tombes juives (le camp avait été bâti sur un cimetière et les stèles démolies), la villa du chef du camp (celui-là même qui abat comme des lapins les prisonniers dans la liste de Schindler), une tombe plus récente et une petite stèle.  On dirait plutôt un parc, on croise un monsieur qui promène son chien, un couple avec un landau.  De l’autre côté de la colline, surplombant la Vistule, se dresse un haut monument commémoratif : quatre personnages debout, leurs cœurs comme arrachés de la pierre grise, têtes baissées.

    J’ai aussi le cœur arraché lorsque, me retournant, j’aperçois le spectacle désolant des grues et des chaînes de magasins avec leurs enseignes agressives.  Ils me semblent bien seuls et oubliés, ces fantômes de prisonniers face à la ville moderne qui gagne du terrain autour d’eux et non loin des richesses et des dorures de la vieille ville de Cracovie.